Mariage : Quelles clauses au contrat ?
Lorsqu’un couple se marie, il peut choisir de signer un contrat de mariage afin d’aménager son régime matrimonial. Cet acte permet d’adapter la gestion du patrimoine aux besoins spécifiques des époux et d’anticiper les conséquences d’un divorce ou d’un décès. De nombreuses clauses existent et offrent une grande souplesse, à condition de respecter les règles impératives du Code civil. On ne peut pas déroger aux devoirs découlant du mariage, modifier l’ordre légal des successions, renoncer par avance à une succession ou insérer une clause contraire à l’ordre public. En dehors de ces limites, la liberté contractuelle reste large.
Les aménagements possibles concernent la composition des patrimoines durant l’union, la gestion des biens, mais aussi la répartition finale lors de la liquidation du régime. Certaines clauses renforcent la protection du conjoint survivant en lui permettant de recevoir davantage que la moitié des biens communs, tandis que d’autres lui attribuent certains biens en priorité, tout en respectant le principe d’égalité.
Parmi les mécanismes les plus connus figurent les avantages matrimoniaux. Ils consistent à offrir à l’un des époux des profits particuliers liés aux modalités du régime, mais au détriment de l’autre. Ils ne se mesurent qu’au moment de la dissolution du mariage et ne concernent que les biens communs. Grâce à eux, il est possible de transférer au conjoint survivant la totalité du patrimoine commun, et ce sans droits de mutation, les enfants n’héritant alors qu’au deuxième décès. Trois clauses sont principalement utilisées : l’attribution intégrale de la communauté, le partage inégal de celle-ci et le préciput. Ce dernier permet par exemple de réserver au conjoint certains biens déterminés comme la résidence principale ou un contrat d’assurance-vie.
La clause d’attribution intégrale, très protectrice, transfère tous les biens communs au survivant. Elle est fréquemment associée à une communauté universelle. Mais si ce mécanisme protège le conjoint, il peut se révéler fiscalement coûteux pour les enfants, car le patrimoine est transmis en une seule fois et ils ne bénéficient qu’une seule fois des abattements et de la progressivité de l’impôt. En outre, le conjoint survivant doit assumer toutes les dettes de la communauté. Cette clause est souvent choisie par des couples sans enfant, par des époux souhaitant mettre leur conjoint à l’abri de conflits familiaux, ou encore lorsqu’il s’agit de protéger un enfant handicapé.
La clause de partage inégal permet, quant à elle, de stipuler que les biens communs ne seront pas divisés à parts égales. L’un des époux peut recevoir une fraction supérieure à la moitié, en pleine propriété ou en usufruit. Cette clause peut corriger une inégalité entre patrimoines personnels et préserver ainsi l’équilibre entre époux. Elle peut également être assortie d’une exclusion de reprise, empêchant les héritiers de réclamer certains biens propres devenus communs.
La clause de préciput se distingue par sa souplesse. Elle autorise l’époux survivant à prélever certains biens déterminés, en pleine propriété ou en usufruit, avant tout partage et sans avoir à verser d’indemnité. C’est un outil précieux pour assurer la continuité de vie du conjoint, par exemple en lui garantissant la jouissance du logement familial.
D’autres clauses viennent compléter ces dispositifs. Certaines permettent un prélèvement préférentiel moyennant indemnité, ce qui offre la possibilité au conjoint survivant de conserver certains biens de la communauté, comme un fonds de commerce, sans subir les aléas d’un tirage au sort. La faculté d’acquisition ou d’attribution, applicable quel que soit le régime matrimonial, permet au survivant de se faire attribuer des biens propres du défunt en versant une soulte aux héritiers.
Il existe également des clauses spécifiques comme la clause alsacienne, qui autorise la reprise des apports en cas de divorce, ou la clause d’ameublissement, par laquelle un bien propre entre volontairement dans la communauté. D’autres prévoient la dispense ou la simplification du calcul des récompenses entre époux, ou encore organisent la liquidation de manière différente selon qu’il s’agisse d’un divorce ou d’un décès.
Certaines limites doivent néanmoins être rappelées. L’action en retranchement permet aux enfants issus d’un premier lit de contester un avantage matrimonial excessif accordé au conjoint survivant, afin de protéger leur réserve héréditaire. Des garde-fous existent aussi pour éviter que des clauses ne portent atteinte aux règles de l’autorité parentale ou aux droits des héritiers réservataires.
Enfin, au plan fiscal, le choix des clauses a des conséquences directes. Il est en effet plus intéressant de donner des biens communs que des biens propres, puisque les deux époux sont considérés comme donateurs. Ainsi, une donation portant sur un million d’euros à deux enfants entraîne un coût fiscal moindre si elle est faite à partir des biens communs plutôt qu’à partir des biens propres d’un seul époux.
L’aménagement d’un contrat de mariage est donc un outil puissant de stratégie patrimoniale. Il permet de protéger le conjoint survivant, d’anticiper la transmission aux enfants, de moduler la fiscalité et d’adapter le régime matrimonial aux réalités de chaque couple. C’est pourquoi la rédaction de ces clauses doit être envisagée avec soin, avec l’appui d’un notaire, afin d’assurer un équilibre entre protection, équité et optimisation.
Karim Trabelsi