Mariage : Changer de régime matrimonial ?
Changer de régime matrimonial est une possibilité offerte aux époux qui, dans l’intérêt de la famille, peuvent décider de modifier ou même de transformer entièrement l’organisation juridique de leurs biens. Cette décision doit être prise d’un commun accord et se formalise par un acte notarié soumis à des formalités de publicité. En principe, il n’est plus nécessaire de passer par une homologation du tribunal, sauf en cas d’opposition d’un enfant majeur ou d’un créancier dans les trois mois suivant la publication du projet de changement. Si le notaire estime que les intérêts patrimoniaux d’un enfant mineur sont gravement compromis, il peut saisir le juge pour autoriser la modification.
Lorsque le changement est validé, ses effets se produisent entre les époux à compter de la signature de l’acte notarié, et vis-à-vis des tiers après un délai de trois mois suivant l’inscription du jugement sur l’acte de mariage. Si une opposition survient, une procédure judiciaire peut être engagée et le juge tranchera selon l’intérêt de la famille, notion interprétée de manière globale et non individuelle. Ainsi, le fait qu’un membre de la famille puisse se trouver désavantagé ne suffit pas nécessairement à bloquer le changement. La jurisprudence a souvent validé des modifications visant à protéger le conjoint survivant, à sécuriser la transmission d’une entreprise familiale, à mettre à l’abri le patrimoine contre les créanciers ou encore à assurer la protection d’un enfant handicapé. Toutefois, le juge peut refuser une demande lorsqu’elle révèle une volonté d’exclure durablement un héritier, lorsqu’elle entraîne un dépouillement injustifié ou lorsqu’elle présente un risque de dispersion du patrimoine.
Le changement de régime n’implique pas toujours une transformation globale. Les époux peuvent convenir de modifier le statut d’un bien déterminé, par exemple en introduisant une clause d’ameublissement qui permet de faire entrer un bien propre dans la communauté. Dans ce cas, une homologation judiciaire est également requise. Les possibilités de recours existent : un époux peut contester la convention pour vice de consentement, pour fraude ou si une procédure de divorce a été engagée. Les enfants majeurs peuvent faire appel s’ils se sont opposés au changement ou s’ils n’ont pas été correctement informés, et les créanciers disposent également d’un droit d’opposition, voire d’une action en nullité s’ils prouvent que leurs droits ont été lésés.
Le coût d’une telle démarche varie selon la nature du patrimoine et la complexité de l’opération. Il faut compter les honoraires du notaire, les frais éventuels d’avocat, les frais de publicité et parfois une liquidation du régime si des biens communs deviennent propres. À cela s’ajoutent les droits de partage et la taxe de publicité foncière pour les biens immobiliers. Fiscalement, le transfert de biens entre patrimoines dans le cadre d’un changement de régime matrimonial est en principe neutre : il ne donne pas lieu à des droits de mutation à titre gratuit ni à une imposition immédiate des plus-values, sauf dans le cas de biens professionnels.
Ainsi, la possibilité de modifier son régime matrimonial offre une grande souplesse aux couples qui souhaitent adapter leur organisation patrimoniale à l’évolution de leur situation familiale ou professionnelle. Mais cette liberté suppose une vigilance particulière, tant sur le plan juridique que fiscal, afin de garantir que la décision respecte l’intérêt de la famille et ne fragilise pas l’équilibre entre les différents membres concernés.
Karim Trabelsi