Droit personnel et droit réel : comprendre la place de la propriété

En droit, un sujet peut exercer sur une chose soit un droit personnel, soit un droit réel. La distinction entre ces deux catégories de droits est fondamentale car elle détermine l’étendue des prérogatives dont dispose la personne concernée.

Le droit personnel, encore appelé droit de créance, établit un rapport entre deux sujets de droit. Il confère à son titulaire la faculté d’exiger d’une autre personne une prestation, qui peut être l’obligation de faire, de ne pas faire ou de donner quelque chose. Ainsi, le locataire bénéficie d’un droit personnel vis-à-vis de son bailleur puisqu’il peut exiger de ce dernier la jouissance paisible du logement loué. Ce droit ne s’exerce pas directement sur la chose, mais par l’intermédiaire de la relation contractuelle avec le propriétaire.

À l’inverse, le droit réel établit un rapport direct entre une personne et une chose. Son titulaire dispose de prérogatives immédiates sur le bien, indépendamment de toute intervention d’un tiers. Le droit de propriété constitue l’exemple le plus absolu de droit réel. Il confère à son détenteur un faisceau de pouvoirs qui se déclinent en trois attributs classiques : l’usus, c’est-à-dire le droit d’utiliser le bien, le fructus qui correspond au droit d’en percevoir les fruits ou revenus, et l’abusus qui désigne le droit d’en disposer, qu’il s’agisse de le vendre, de le donner, de le grever d’une sûreté ou même de le détruire.

L’origine du droit de propriété peut être multiple. Elle résulte d’abord de la volonté du sujet de droit qui acquiert un bien. Cette acquisition peut intervenir à titre onéreux, comme dans le cas d’une vente, d’un échange ou d’un apport en société, ou à titre gratuit, par exemple par donation ou par legs. La propriété peut également découler du mécanisme juridique de l’accessoire : en vertu de l’adage selon lequel l’accessoire suit le principal, le propriétaire du sol est réputé propriétaire de ce qui s’y trouve au-dessus, comme les constructions, et au-dessous, comme une carrière ou une mine.

L’incorporation constitue un autre mode d’acquisition. Lorsqu’un bien est incorporé dans un autre de telle manière qu’il perd son individualité, le propriétaire du bien principal devient propriétaire de l’ensemble. Ainsi, le matériau intégré de façon indissociable à une construction appartient au propriétaire de l’immeuble.

Enfin, la prescription acquisitive ou usucapion permet de devenir propriétaire par l’écoulement du temps. Lorsqu’une personne se comporte comme le véritable propriétaire d’un bien sans contestation de celui qui en détient le titre, et que cette situation est reconnue par la société, elle finit par mériter une protection juridique supérieure. Sur les biens meubles, la prescription acquisitive joue de manière quasi immédiate, tandis que sur les immeubles, elle s’acquiert généralement par une possession continue de trente ans.

Ainsi, la propriété, droit réel par excellence, illustre toute la puissance conférée à son titulaire par le droit. Mais elle n’est pas seulement le fruit d’un titre formel : elle peut naître de l’usage, du temps ou de l’incorporation, traduisant la richesse et la complexité des mécanismes juridiques qui encadrent les rapports entre les personnes et les choses.

Karim Trabelsi

Précédent
Précédent

Usufruit et nue-propriété : principes généraux

Suivant
Suivant

Exonérations et abattements successoraux : les clés d’une transmission optimisée