La clause de préciput : un outil de protection du conjoint survivant
La clause de préciput est une stipulation insérée dans le contrat de mariage qui offre à l’époux survivant le droit de prélever, avant le partage de la communauté, le ou les actifs expressément visés. Elle trouve son fondement à l’article 1515 du Code civil, qui dispose : « Il peut être convenu, dans le contrat de mariage, que le survivant des époux, ou l’un d’eux s’il survit, sera autorisé à prélever sur la communauté, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d’une espèce déterminée de biens. »
L’intérêt majeur de cette clause réside dans la protection qu’elle assure au conjoint survivant. Elle permet à celui-ci d’acquérir la pleine propriété du bien désigné, tout en conservant sa part habituelle sur les autres biens de la communauté. Contrairement à une donation ou un legs, la clause de préciput n’est pas assimilée à une libéralité. La valeur ainsi recueillie ne vient donc pas en déduction des droits successoraux légaux du conjoint survivant, ce qui en fait un avantage considérable dans l’organisation patrimoniale du couple.
Un exemple illustre parfaitement son efficacité !
Supposons que la résidence principale des époux fasse partie de la communauté et que sa valeur dépasse la moitié de l’actif commun. Si aucune mesure particulière n’est prise, au décès du premier des époux, le survivant se retrouvera en indivision avec les enfants, soit en pleine propriété soit en nue-propriété selon l’option qu’il aura choisie. Grâce à la stipulation d’une clause de préciput, le conjoint survivant a la certitude de devenir, s’il le souhaite, l’unique propriétaire de ce bien, sans avoir à composer avec l’indivision successorale.
Il convient toutefois d’être attentif à certaines limites. En présence d’enfants issus d’un premier lit, cette clause peut réduire leurs droits, notamment si elle prive l’un d’eux de tout droit sur l’actif visé. Dans une telle hypothèse, et si leur réserve héréditaire est entamée, ces enfants disposent de la faculté d’exercer une action en retranchement pour rétablir leurs droits.
Sur le plan fiscal, la clause de préciput s’exerce avant le partage de la communauté, puisqu’elle a pour effet de délimiter la masse à partager. Néanmoins, l’administration fiscale considère qu’elle est assujettie au droit de partage, fixé actuellement à 2,5 %.
Ainsi, la clause de préciput constitue un puissant mécanisme de protection du conjoint survivant, lui permettant de sécuriser des biens essentiels, comme la résidence familiale, tout en bénéficiant d’un traitement distinct de celui des libéralités. Bien maniée, elle s’inscrit dans une stratégie matrimoniale et successorale fine, mais elle requiert prudence et anticipation, notamment en présence d’enfants non communs.
Karim Trabelsi