Les droits du conjoint et du partenaire de PACS sur le logement : la protection du lieu de vie
Le décès d’un époux ou d’un partenaire de PACS soulève immédiatement une question patrimoniale centrale : la protection du survivant dans son cadre de vie. Le logement, en tant que résidence principale, constitue en effet bien plus qu’un simple actif successoral : il est le lieu de mémoire et de stabilité pour celui qui reste. Le législateur a donc prévu des droits spécifiques, destinés à assurer la continuité de l’habitation et à éviter toute déstabilisation brutale du conjoint ou du partenaire survivant.
L’article 764 du Code civil consacre un droit viager au logement au profit du conjoint survivant. Sauf volonté contraire du défunt exprimée par testament authentique, le conjoint qui occupait effectivement, à l’époque du décès, la résidence principale appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, bénéficie d’un droit d’habitation sa vie durant ainsi que d’un droit d’usage sur le mobilier garnissant le logement. Ce droit, rappelé par l’article 765, s’impute toutefois sur la valeur des droits successoraux recueillis par le conjoint. La jurisprudence est venue en préciser les contours. Ainsi, la Cour de cassation a jugé, le 2 mars 2022 (n° 20-16.674), que l’option du conjoint survivant pour l’exercice de son droit viager ne pouvait être déduite de son seul maintien dans les lieux. De même, par un arrêt du 25 septembre 2013 (n° 12-21.569), la haute juridiction a restreint ce droit aux seuls locaux effectivement occupés à titre d’habitation principale au moment du décès.
Ce mécanisme, qui constitue un véritable droit successoral, confère au conjoint survivant la faculté d’occuper son logement sa vie durant. Dans certains cas exceptionnels, il peut même louer ce bien lorsque celui-ci n’est plus adapté à ses besoins, à condition que les loyers dégagés lui permettent de financer de nouvelles conditions d’hébergement. L’esprit de la loi est clair : protéger le survivant en garantissant la stabilité de son cadre de vie.
Cette protection, aussi fondamentale soit-elle, n’est pas dénuée de conséquences liquidatives. Elle suppose que le logement figure dans le patrimoine du défunt ou dans la communauté conjugale, ce qui n’est pas toujours le cas. Par exemple, si les parents d’un époux font donation à leur enfant d’un terrain sur lequel est édifiée la résidence principale, et que celui-ci décède en premier sans laisser d’enfant, le conjoint survivant ne bénéficie d’aucun droit viager sur le logement. De même, la détention de la résidence principale par une société civile prive en principe le survivant de ce droit, car le bien ne figure pas directement dans le patrimoine du défunt, mais sous forme de parts sociales.
Pour remédier à ces situations, plusieurs solutions existent. Les époux peuvent envisager la dissolution de la société civile pour réintégrer le bien immobilier dans leur patrimoine personnel, au prix toutefois de conséquences civiles et fiscales parfois lourdes. À défaut, ils peuvent recréer l’équivalent du droit viager par convention, en attribuant à l’époux survivant une jouissance gratuite du logement. Encore faut-il, pour assurer son efficacité, que ce conjoint dispose de droits de vote suffisants au sein de la société, voire qu’il en assure la gérance.
Le législateur a également prévu des dispositions protectrices au profit du partenaire pacsé survivant. L’article 515-6 du Code civil ouvre à celui-ci certains droits proches de ceux du conjoint marié. L’article 763 reconnaît ainsi au partenaire survivant, lorsqu’il occupait le logement à titre de résidence principale au moment du décès, la jouissance gratuite du bien et de son mobilier pendant une année. Au-delà, seule la volonté expresse du défunt, formulée par testament, permet au partenaire d’obtenir l’attribution préférentielle du logement, du mobilier garnissant ainsi que, le cas échéant, du véhicule nécessaire à la vie quotidienne, conformément à l’article 732 du Code civil.
Il ressort de ce cadre juridique que la protection du survivant repose sur un équilibre fragile entre la loi, la volonté des parties et la structuration du patrimoine. Pour le conjoint marié, le droit viager au logement constitue un pilier de sécurité, mais encore faut-il que les conditions de son exercice soient réunies. Pour le partenaire pacsé, la protection demeure plus limitée et nécessite souvent une anticipation testamentaire. Dans tous les cas, il appartient aux couples, mariés ou non, d’organiser leur succession en veillant à préserver le droit au logement du survivant, condition essentielle de stabilité et de dignité après la perte d’un proche.
Karim Trabelsi