Le rapport successoral : un mécanisme d’égalité entre héritiers
Le rapport successoral constitue un mécanisme essentiel du droit des successions. Son objectif est de garantir l’égalité entre héritiers en prenant en compte les donations effectuées du vivant du défunt. Le Code civil en fixe les règles aux articles 843 et suivants.
L’article 843 du Code civil dispose que « tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale. Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n’ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu’en moins prenant. »
L’article 844 du même code ajoute que « les dons faits hors part successorale ne peuvent être retenus ni les legs réclamés par l’héritier venant à partage que jusqu’à concurrence de la quotité disponible : l’excédent est sujet à réduction ».
En pratique, le rapport successoral ne consiste pas à restituer matériellement les biens donnés, mais à réintégrer fictivement leur valeur dans le patrimoine du défunt. Autrement dit, les héritiers gratifiés conservent les biens reçus, mais leur valeur est ajoutée au patrimoine à partager. Le calcul s’effectue sur la base de la valeur des biens donnés au moment du partage de la succession et non à la date de la donation.
Ce mécanisme a pour finalité d’assurer une équité entre les héritiers, en tenant compte des avantages reçus par anticipation.
Prenons un exemple pour illustrer ce principe ?
Un parent a consenti de son vivant trois donations à ses enfants : 10 000 € au premier, 20 000 € au deuxième et 30 000 € au troisième. Le total des donations s’élève donc à 60 000 €. À son décès, son patrimoine s’élève à 120 000 €.
Le rapport civil permet de reconstituer fictivement une masse successorale de 180 000 € (120 000 € de biens existants + 60 000 € de donations antérieures). Le partage de cette masse entre les trois enfants conduit à attribuer à chacun un héritage théorique de 60 000 €. Mais il convient ensuite de déduire, pour chacun, la valeur des donations déjà perçues. Ainsi, le premier enfant recevra 50 000 € (60 000 € - 10 000 €), le deuxième 40 000 € (60 000 € - 20 000 €), et le troisième 30 000 € (60 000 € - 30 000 €).
Cet exemple met en évidence l’équilibre instauré par le rapport successoral : chacun des enfants reçoit in fine un patrimoine équivalent, en tenant compte des libéralités antérieures.
Le rapport successoral constitue donc une étape incontournable dans les opérations liquidatives. Il assure à la fois le respect de la volonté du défunt, qui peut avoir anticipé des transmissions par donation, et le principe d’égalité successorale, pilier du droit français des successions.
Karim Trabelsi