La transparence fiscale et la déclaration de tiers

Le système fiscal français ne repose plus uniquement sur les déclarations faites par les contribuables eux-mêmes. De nombreuses personnes et organismes tels que les employeurs, les plateformes numériques, les banques ou encore les notaires doivent désormais transmettre à l’administration des informations sur les revenus d’autrui. Ces déclarations de tiers renforcent la transparence et permettent à l’État de croiser les données pour vérifier la cohérence des déclarations individuelles.

L’exemple le plus ancien figure à l’article 240 du Code général des impôts. Il impose à toute personne ou entreprise de déclarer les sommes versées à des tiers au titre des salaires, honoraires, commissions ou gratifications. Concrètement, un employeur qui verse un salaire doit en informer l’administration, ce qui lui permet de vérifier que le salarié a bien intégré ce revenu dans sa propre déclaration. Le défaut de transmission est sanctionné par l’article 1736 du CGI, qui prévoit des amendes pour les tiers défaillants.

Avec l’essor du numérique, le dispositif s’est étendu. Les plateformes comme Airbnb, Leboncoin, Amazon ou Blablacar doivent, depuis l’article 1649 ter A du CGI, communiquer chaque année à l’administration l’identité de leurs utilisateurs, le nombre de transactions réalisées et les montants perçus. L’objectif est clair : repérer les particuliers exerçant en réalité une activité professionnelle non déclarée. Les sanctions sont sévères, pouvant aller jusqu’à 50 000 euros d’amende ou la suspension du numéro d’enregistrement de la plateforme en cas de manquement répété, selon l’article 1740 E du CGI.

D’autres obligations, plus techniques, concernent directement les entreprises. Elles doivent joindre à leur liasse fiscale le tableau des amortissements et le relevé des provisions, sous peine d’une amende équivalente à 5 % des sommes concernées (article 1763 du CGI). Les contribuables doivent aussi déclarer leurs comptes bancaires à l’étranger conformément à l’article 1649 A du CGI, sous peine de lourdes pénalités.

Pour l’impôt sur le revenu, le contribuable reste tenu de déposer une déclaration générale (formulaire 2042), complétée par des déclarations catégorielles selon la nature des revenus : 2031 pour les bénéfices industriels et commerciaux, 2035 pour les bénéfices non commerciaux, 2044 pour les revenus fonciers, etc. Ces déclarations doivent être signées et, pour les couples mariés, contresignées par les deux conjoints. La plupart sont désormais transmises par voie dématérialisée via les systèmes EDI (transmission automatisée par logiciel comptable) ou EDFI (formulaires en ligne).

En pratique, l’administration fiscale dispose donc d’un vaste réseau d’informations croisées provenant des contribuables eux-mêmes et de multiples tiers. Cette architecture permet de sécuriser la perception de l’impôt et de limiter la fraude sans multiplier les contrôles sur place.

Si cette transparence accrue peut paraître intrusive, elle poursuit un objectif simple : rendre l’impôt plus juste et plus équitable, en s’assurant que chacun déclare et contribue selon la réalité de ses revenus.

Karim Trabelsi

Précédent
Précédent

L’art du recouvrement fiscal, ou comment l’impôt passe du papier au paiement

Suivant
Suivant

L’évaluation du revenu par les signes extérieurs de votre train de vie : l’article 168 du Code général des impôts