Optimiser la transmission sans donner
Et si l’on pouvait enrichir ses enfants… sans avoir à donner immédiatement ?
Le démembrement volontaire de propriété ouvre cette possibilité, en permettant au nu-propriétaire (souvent l’enfant) de s’enrichir à terme, sans dépouillement immédiat de l’usufruitier (souvent le parent).
Sur le plan fiscal, l’article 1133 du CGI est limpide : à l’extinction de l’usufruit, la pleine propriété se reconstitue entre les mains du nu-propriétaire en franchise de droits de mutation. Autrement dit, aucune taxation supplémentaire n’est due à ce moment-là.
Juridiquement, la logique est solide :
L’usufruitier peut améliorer le bien (constructions, travaux, mise en réserve de bénéfices en société) pour en tirer lui-même des revenus ou de meilleures conditions de jouissance.
Le nu-propriétaire bénéficie de cette valorisation… mais uniquement à l’expiration de l’usufruit.
Il n’y a donc ni dépouillement actuel de l’usufruitier, ni intention libérale caractérisée, conditions pourtant nécessaires pour qualifier une donation.
La jurisprudence confirme cette analyse :
Cass. com., 10 fév. 2009 (arrêt Cadiou) : la mise en réserve des bénéfices votée par l’usufruitier ne constitue pas une donation indirecte au profit du nu-propriétaire.
Cass. civ., 19 sept. 2012 : la construction financée par l’usufruitier ne profite pas immédiatement au nu-propriétaire, qui ne devient plein propriétaire qu’au terme de l’usufruit.
En pratique, le démembrement avec réserve d’usufruit permet donc à l’usufruitier de générer des revenus complémentaires ou d’améliorer ses conditions de jouissance, au nu-propriétaire de bénéficier, à terme, d’une valorisation de la pleine propriété… sans droits à acquitter.
Un outil d’une élégance rare, qui illustre la puissance de l’ingénierie patrimoniale : préparer la transmission, sans se dépouiller, et dans le respect du droit civil comme du droit fiscal
Karim Trabelsi