La communauté légale réduite aux acquêts : le régime par défaut du mariage
En droit français, lorsqu’aucun contrat de mariage n’est signé devant notaire, les époux sont automatiquement soumis au régime de la communauté légale réduite aux acquêts. L’article 1400 du Code civil rappelle en effet que « la communauté, qui s’établit à défaut de contrat ou par la simple déclaration qu’on se marie sous le régime de la communauté, est soumise aux règles expliquées dans les trois sections qui suivent ». Ce régime, qui constitue le droit commun, organise la répartition des biens et des dettes des époux, ainsi que leur gestion et les modalités de partage en cas de dissolution.
La distinction fondamentale entre biens propres et biens communs est au cœur de ce système. Les biens propres comprennent ceux acquis avant le mariage, ainsi que ceux reçus à titre gratuit par succession, donation ou legs. Les biens communs regroupent quant à eux tous les acquêts, c’est-à-dire les biens achetés ou créés durant le mariage, ainsi que les revenus, salaires, loyers et autres produits perçus par les époux.
En matière de gestion, chaque époux reste seul maître de ses biens propres. Pour les biens communs, la gestion peut être conjointe ou séparée selon la nature de l’acte envisagé. L’article 215 alinéa 3 du Code civil prévoit notamment une protection particulière du logement familial, interdisant à l’un des conjoints de le vendre ou de le donner sans l’accord de l’autre.
La question des dettes constitue une autre dimension essentielle du régime. Les dettes contractées pendant le mariage engagent en principe la communauté, même lorsqu’elles sont contractées par un seul époux. Toutefois, certaines exceptions existent. L’article 1415 du Code civil prévoit que les emprunts et cautionnements souscrits sans le consentement du conjoint n’engagent que les biens propres de celui qui s’est obligé. Les dettes nées avant le mariage demeurent personnelles à chaque époux. En revanche, les dettes ménagères, c’est-à-dire celles contractées pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, entraînent une solidarité qui pèse sur l’ensemble des biens des époux, qu’ils soient communs ou propres.
Lors de la dissolution du régime, chaque conjoint reprend ses biens propres et se voit attribuer la moitié des biens communs. Le mécanisme des récompenses intervient lorsque l’une des masses a financé l’autre : par exemple, si un bien propre a servi à payer une dette commune, la communauté doit indemniser le patrimoine propre de l’époux concerné, et inversement.
La communauté réduite aux acquêts présente des avantages notables. Elle établit un équilibre entre autonomie et solidarité, chaque conjoint conservant la gestion de ses biens propres tout en participant à la mise en commun des richesses acquises durant le mariage. Elle constitue ainsi un cadre adapté à la plupart des couples et à la vie commune ordinaire.
Cependant, ce régime n’est pas exempt d’inconvénients. Il peut générer des contentieux, notamment en matière de qualification des biens, lorsqu’il s’agit de déterminer si un bien est propre ou commun, ou encore dans le calcul des récompenses dues entre masses. Ces difficultés peuvent parfois rendre la liquidation du régime complexe, en particulier lors d’un divorce.
La communauté légale réduite aux acquêts, régime par défaut, reste néanmoins l’expression de l’équilibre recherché par le législateur entre solidarité conjugale et respect de l’indépendance patrimoniale de chaque époux.
Karim Trabelsi