La séparation de biens : un régime d’indépendance patrimoniale
La séparation de biens est un régime matrimonial conventionnel prévu par l’article 1536 du Code civil, qui dispose que « lorsque les époux ont stipulé dans leur contrat de mariage qu’ils seraient séparés de biens, chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels. Chacun d’eux reste seul tenu des dettes nées en sa personne avant ou pendant le mariage, hors le cas de l’article 220 ». Ce régime doit être choisi expressément par les époux dans un contrat de mariage notarié.
Le principe essentiel de la séparation de biens est l’absence de masse commune. Chacun des époux conserve la propriété exclusive des biens qu’il possède avant le mariage ainsi que de ceux qu’il acquiert ou reçoit pendant l’union. Seuls les biens achetés ensemble peuvent tomber en indivision, mais cette indivision demeure volontaire et ponctuelle, à la différence des régimes communautaires.
Chaque époux conserve également la gestion exclusive de ses biens, qu’il s’agisse de biens propres acquis avant le mariage ou de biens acquis pendant l’union. L’indépendance patrimoniale est donc totale, à une exception près : la protection du logement familial. Même lorsqu’il s’agit d’un bien propre appartenant à l’un seul, celui-ci ne peut être vendu ou loué sans le consentement de l’autre conjoint, en application des règles du régime primaire impératif.
La question des dettes illustre encore davantage l’autonomie offerte par ce régime. Chaque époux est seul responsable des dettes qu’il contracte avant ou pendant le mariage, qu’elles soient personnelles ou professionnelles. La solidarité ne joue que pour les dettes ménagères, c’est-à-dire celles engagées pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, conformément à l’article 220 du Code civil. En dehors de cette exception, aucun patrimoine n’est exposé aux dettes de l’autre.
La liquidation du régime de séparation de biens est simple et rapide. En cas de divorce, il n’existe aucune masse commune à partager. Chacun reprend son patrimoine personnel et les seuls biens à répartir sont ceux éventuellement acquis en indivision ou déposés sur des comptes joints, le partage se faisant alors en fonction des contributions réelles de chacun. En cas de décès, le patrimoine du défunt est transmis exclusivement à ses héritiers, sans qu’une communauté doive être liquidée.
La séparation de biens présente de nombreux avantages. Elle assure une indépendance financière totale des époux pendant le mariage et protège efficacement le patrimoine de l’un contre les créanciers de l’autre, ce qui en fait un régime particulièrement adapté aux professions exposées aux risques financiers, comme les chefs d’entreprise ou les professions libérales. Elle facilite également la transmission directe aux enfants et simplifie considérablement la liquidation en cas de divorce, puisque l’absence de masse commune réduit le risque de conflits.
Cependant, ce régime comporte aussi des limites. La séparation de biens implique une moindre solidarité patrimoniale et peut accentuer les déséquilibres économiques au sein du couple, notamment lorsque l’un des époux renonce à une activité professionnelle pour se consacrer au foyer. Dans ce cas, l’époux économiquement dépendant peut se retrouver fragilisé lors de la rupture ou du décès de son conjoint.
La séparation de biens se définit donc comme le régime de l’indépendance et de l’autonomie patrimoniale. Elle répond aux besoins de protection dans les situations à risques mais demande une réflexion préalable sur l’équilibre financier et la solidarité entre conjoints
Karim Trabelsi