L’avantage matrimonial : un outil de protecteur

L’avantage matrimonial désigne une clause insérée dans un contrat de mariage permettant de favoriser l’un des époux lors de la liquidation du régime matrimonial. À la différence d’une donation, il ne s’agit pas d’une libéralité mais d’un mécanisme propre aux régimes communautaires qui vise à renforcer les droits d’un conjoint, en particulier lors de son veuvage.

L’article 1527 du Code civil précise que « les avantages que l’un ou l’autre des époux peut retirer des clauses d’une communauté conventionnelle, ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes, ne sont point regardés comme des donations ». La jurisprudence est venue préciser cette notion. La Cour de cassation, dans un arrêt du 21 janvier 1991 (1re civ., Bull. I n° 24), a affirmé que « la notion d’avantage matrimonial est incompatible avec le régime pur et simple de séparation de biens ». Plus récemment, la Haute juridiction a jugé que « la société d’acquêts constitue un avantage matrimonial » (Cass. 1re civ., 29 novembre 2017, n° 16-29.056).

L’importance de l’avantage matrimonial réside dans sa fonction protectrice. Il permet d’assurer une meilleure sécurité patrimoniale du conjoint le moins bien doté, non seulement pendant le mariage mais surtout au moment de la succession. L’époux survivant se voit attribuer plus de droits que ceux que la loi lui reconnaît en concours avec les héritiers, sans que cet avantage soit considéré comme une libéralité. La distinction est capitale : les libéralités consenties par un conjoint s’imputent sur la vocation héréditaire légale du bénéficiaire, tandis que l’avantage matrimonial, lui, s’y ajoute sans la diminuer.

Un exemple illustre parfaitement ce mécanisme. Imaginons un couple marié en secondes noces sous le régime de la communauté. Ils vivent dans un appartement appartenant à Madame, qui a un enfant d’une première union. En droit français, la vocation légale du conjoint survivant, lorsqu’il est en concours avec un enfant non commun, se limite au quart des biens successoraux, après déduction de la réserve héréditaire et imputation des legs. Pour améliorer la protection du conjoint, les époux peuvent apporter l’appartement à la communauté grâce à une clause d’apport et, dans le même temps, prévoir une clause de préciput à titre gratuit. Cette combinaison permet d’assurer au conjoint survivant la jouissance du bien, sans que cette attribution soit considérée comme une donation rapportable ou réductible.

L’avantage matrimonial pose toutefois la question de sa survie en cas de divorce. La loi distingue deux catégories : les avantages matrimoniaux qui prennent effet pendant le mariage et ceux qui ne produisent leurs effets qu’au moment de la dissolution ou du décès. L’article 265 du Code civil énonce que « le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux ». En conséquence, les avantages matrimoniaux postérieurs à la dissolution disparaissent automatiquement lors du divorce, tandis que ceux qui produisent leurs effets pendant le mariage subsistent.

Afin d’éviter qu’un avantage matrimonial maintenu n’entraîne un déséquilibre après divorce, il est possible de recourir à une clause de reprise des apports, qui neutralise l’effet d’un apport en communauté en restituant le bien à l’époux qui l’avait apporté.

Sur le plan successoral, les avantages matrimoniaux présentent un régime spécifique. Ils ne sont pas pris en compte dans la liquidation de la succession, ne sont pas imputés sur les droits légaux du conjoint survivant, ne sont pas soumis aux règles applicables aux libéralités et sont en principe révocables. De plus, leur traitement fiscal diffère de celui des donations, ce qui en renforce l’intérêt dans une stratégie patrimoniale.

Ainsi, l’avantage matrimonial constitue un instrument de grande souplesse, permettant d’adapter le régime matrimonial aux besoins spécifiques du couple et de renforcer la protection du conjoint survivant, tout en échappant au régime contraignant des libéralités.

Karim Trabelsi

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