La clause d’emploi ou de remploi : un outil essentiel de préservation des biens propres
La clause d’emploi ou de remploi est une stipulation matrimoniale qui organise une subrogation réelle conventionnelle. La subrogation réelle est une technique juridique qui consiste à faire passer un bien sous le régime juridique de celui qu’il remplace. Dans un régime communautaire, la loi prévoit déjà certaines hypothèses de subrogation réelle automatique. Ainsi, le prix de cession d’un actif propre conserve par nature sa qualification de bien propre.
En dehors de ces hypothèses légales, le principe demeure que tous les biens acquis pendant le mariage tombent dans la communauté. À défaut de clauses de subrogation conventionnelle, les masses propres des époux se trouveraient peu à peu absorbées par la masse commune, ce qui appauvrirait les patrimoines personnels. Lors de la liquidation du régime, cet appauvrissement ne pourrait être compensé que par le mécanisme des récompenses, parfois complexe à mettre en œuvre.
La jurisprudence a rappelé l’importance de cette formalisation. Dans un arrêt du 17 février 2013 (Cass. 1re civ., n° 11-23833), la Cour de cassation a jugé qu’en l’absence de déclaration de remploi, un bien acquis au cours de la communauté est réputé commun, même s’il a été financé exclusivement par des fonds propres.
L’intérêt de la clause d’emploi ou de remploi est donc considérable. Elle permet de préserver le caractère propre d’un bien acquis grâce à des fonds eux-mêmes propres, notamment lorsque le financement provient de la vente d’un actif personnel ou d’une succession. Sans cette clause, le bien serait nécessairement commun. La clause d’emploi protège ainsi la masse propre de l’époux qui en bénéficie, tandis que son absence accroît mécaniquement les droits du conjoint sur la communauté.
Un exemple permet d’illustrer son utilité. Supposons qu’un bien ait été acquis en cours de mariage grâce à des fonds propres, mais qu’aucune clause d’emploi n’ait été rédigée. Le bien est donc réputé commun. Lors de sa vente, les époux peuvent cependant décider ensemble que le prix de cession demeurera un propre au profit de l’époux qui avait financé initialement l’acquisition. Sans cette précision, le prix de cession tomberait dans la masse commune, malgré l’origine exclusivement propre du financement.
Pour être efficace, la clause d’emploi ou de remploi doit respecter certaines conditions légales. Elle doit d’abord contenir une déclaration d’origine, précisant que l’acquisition est réalisée grâce à des deniers propres ou au produit de l’aliénation d’un bien propre. Elle doit également inclure une déclaration d’intention, exprimant clairement la volonté de maintenir le caractère propre du bien acquis.
En définitive, la clause d’emploi ou de remploi est un instrument juridique incontournable pour les couples mariés sous un régime communautaire. Elle assure la protection et la pérennité des patrimoines propres, tout en évitant les contentieux ultérieurs liés à la liquidation de la communauté.
Karim Trabelsi