La donation indirecte : une libéralité dissimulée derrière un autre acte
La donation indirecte se définit comme une libéralité non solennelle qui s’exprime par le biais d’un acte qui, en lui-même, n’a pas l’apparence d’une donation. Elle n’est donc pas réalisée par un contrat de donation explicite, mais par un autre mécanisme juridique qui conduit à un transfert de valeur à titre gratuit.
Cet acte peut être un acte à titre onéreux, par exemple une vente conclue à un prix volontairement minoré, ou encore un acte unilatéral tel que l’abandon d’un droit. À titre d’illustration, la renonciation par un usufruitier à son droit entraîne la reconstitution anticipée de la pleine propriété entre les mains du nu-propriétaire, opération qui, dans son résultat, s’apparente à une donation.
La donation indirecte doit respecter les règles de forme propres à l’acte qui la matérialise. Ainsi, lorsqu’elle prend la forme d’une vente, elle devra respecter les conditions de validité et de preuve de la vente, et non celles d’une donation notariée. Ce décalage entre la qualification juridique apparente de l’acte et sa véritable nature libérale explique les fréquents débats qu’elle suscite.
En pratique, les litiges liés à la donation indirecte surgissent fréquemment lors des opérations de règlement d’une succession. Certains héritiers estiment que des actes accomplis du vivant du défunt constituent en réalité des libéralités indirectes dont la valeur doit être réintégrée dans la masse successorale. Cette requalification a pour effet d’augmenter la masse à partager et de rétablir un équilibre entre héritiers.
Un exemple concret illustre parfaitement ce mécanisme ;
Monsieur constitue une société civile avec ses enfants. Il est titulaire d’une créance en compte courant envers cette société. S’il renonce unilatéralement à cette créance sans contrepartie, les autres associés voient mécaniquement la valeur de leurs parts sociales augmenter. Cette opération, en apparence une simple renonciation à un droit, s’analyse juridiquement comme une donation indirecte au profit des associés, devant être prise en compte dans les opérations liquidatives de succession.
La donation indirecte constitue ainsi une technique à la fois subtile et source de nombreux contentieux. Si elle peut répondre à des objectifs de transmission ou d’optimisation patrimoniale, elle exige une grande prudence, tant pour sécuriser la validité de l’opération que pour anticiper les éventuelles contestations ultérieures lors du règlement de la succession.
Karim Trabelsi