La donation-partage : un partage anticipé et sécurisé

La donation-partage est un mécanisme original du droit des successions puisqu’elle réunit en un même acte une libéralité et un partage anticipé. Aux termes de l’article 1076 du Code civil, elle ne peut porter que sur des biens présents, mais elle peut se réaliser au travers de deux actes distincts, pourvu que le disposant intervienne dans chacun d’eux. Elle a donc cette singularité d’organiser, du vivant de l’ascendant, une répartition de son patrimoine entre ses présomptifs héritiers.

Son intérêt majeur tient à la stabilité qu’elle apporte. Contrairement aux donations simples, les biens attribués dans le cadre d’une donation-partage ne sont pas soumis au rapport après le décès du disposant. Le partage ayant déjà eu lieu, il ne sera pas remis en cause par les héritiers au moment de l’ouverture de la succession. De même, les variations de valeur des biens attribués demeurent sans incidence : chaque héritier supporte le risque d’évolution du lot qu’il a reçu. La réunion fictive, nécessaire au calcul de la réserve, se réalise en tenant compte de la valeur des biens au jour de la donation-partage, comme le prévoit l’article 1078 du Code civil.

Encore faut-il que certaines conditions soient respectées. L’acte doit associer tous les héritiers réservataires présomptifs : aucun ne doit être omis, et si un enfant vient à naître postérieurement à l’acte, ses droits demeurent préservés. Dans cette hypothèse, il pourra agir en réduction conformément à l’article 1077-2 du Code civil, afin de faire valoir sa part héréditaire.

La donation-partage n’exige pas une stricte égalité entre les lots, même si, en pratique, les ascendants s’efforcent souvent d’assurer une répartition équilibrée. Cette égalité s’apprécie en valeur et non en nature, ce qui explique l’importance de la technique des donations-partages assorties de soultes. La soulte, somme d’argent compensatoire, permet de rétablir l’équilibre lorsqu’un héritier reçoit en nature un lot d’une valeur supérieure à celui des autres.

La donation-partage présente aussi une grande souplesse, puisqu’elle peut inclure la réincorporation de donations antérieures. Dans ce cas, la donation réincorporée perd son autonomie : elle n’a plus à être rapportée et, pour la réunion fictive, sa valeur est appréciée au jour de la réincorporation. Enfin, la loi admet la possibilité de donation-partage transgénérationnelle. Cette technique permet à un ascendant d’allotir directement ses petits-enfants, avec l’accord de son enfant, afin de favoriser une transmission plus souple et adaptée aux besoins de chaque souche familiale.

Ainsi, la donation-partage s’impose comme un instrument privilégié d’organisation successorale. Elle offre une sécurité juridique appréciable en verrouillant la répartition des biens de son vivant, tout en réduisant les risques de conflits familiaux au moment de l’ouverture de la succession.

Karim Trabelsi

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