Quand l’administration fiscale sait, avant même de vérifier

Le système fiscal français repose sur la déclaration du contribuable, mais l’administration dispose de prérogatives précises pour vérifier la sincérité de ces déclarations. Le Livre des procédures fiscales encadre ces pouvoirs, notamment à travers le droit de communication, véritable instrument de contrôle et de recoupement.

L’article L80 A et suivants du Livre des procédures fiscales institue ce droit comme l’un des piliers du contrôle fiscal. Il permet à l’administration d’obtenir de la part de tiers, qu’il s’agisse d’entreprises, d’administrations publiques ou d’organismes financiers, tous documents et renseignements utiles à la vérification des déclarations. Ce droit ne s’exerce que sur le territoire français. Lorsqu’une information se situe à l’étranger, l’administration recourt alors aux mécanismes d’échanges internationaux de renseignements, fondés soit sur une convention fiscale bilatérale, soit sur la directive européenne relative à la coopération administrative.

Le droit de communication s’exerce de deux manières. Dans un premier cas, certains organismes transmettent spontanément leurs informations à l’administration. L’article L97 du Livre des procédures fiscales oblige par exemple les organismes de sécurité sociale à communiquer chaque année la liste des honoraires versés aux professionnels de santé. L’article L101 du même livre prévoit également que les autorités judiciaires doivent informer l’administration fiscale lorsqu’elles ont connaissance d’une infraction susceptible d’avoir des conséquences fiscales.

Dans un second cas, l’administration sollicite elle-même des informations auprès de tiers. L’article L10 du Livre des procédures fiscales l’autorise à demander tout renseignement, document ou éclaircissement nécessaire à ses contrôles. Cependant, contrairement au droit de communication, cette demande ne crée pas d’obligation de réponse et son absence n’entraîne aucune sanction.

Le champ d’application de ce droit est strictement défini. L’article L80 C vise les administrations, collectivités locales, établissements publics et entreprises délégataires de service public, qui doivent communiquer les informations requises sans pouvoir invoquer le secret professionnel. Les commerçants et artisans, régis par les articles L85 et L85 A, doivent présenter leurs documents comptables et pièces justificatives. Pour les professions libérales relevant des bénéfices non commerciaux, l’article L86 limite la communication à l’identité du client, au montant, à la date et aux modalités du paiement, sans possibilité de dévoiler la nature des prestations, afin de protéger le secret professionnel.

Des dispositions particulières existent également pour certaines activités. L’article L89 autorise la consultation des polices d’assurance pour contrôler la valeur des biens déclarés lors des successions et donations. L’article L96 G impose aux plateformes numériques, telles que eBay ou Blablacar, de fournir les informations d’identification de leurs utilisateurs vendeurs ou prestataires. Enfin, l’article L96 J permet à l’administration de demander aux éditeurs ou revendeurs de logiciels comptables les données techniques nécessaires à la vérification des systèmes utilisés par les entreprises.

Ces textes confèrent à l’administration fiscale une visibilité complète sur l’activité économique des contribuables. Loin d’être une intrusion, le droit de communication assure la transparence, la cohérence du système déclaratif et le respect de l’égalité devant l’impôt.

Karim Trabelsi

Précédent
Précédent

Les demandes d’éclaircissements et de justifications du fisc : tout ce qu’il faut savoir

Suivant
Suivant

Impôts impayés : comment l’État peut saisir vos comptes, vos salaires… et même votre maison