Quand le fisc s’adresse à d’autres que vous : comprendre la solidarité fiscale

Le Code général des impôts et le Livre des procédures fiscales prévoient plusieurs hypothèses dans lesquelles une personne peut être tenue solidairement responsable du paiement d’un impôt dû par un tiers. Cette solidarité constitue une garantie pour l’administration fiscale, qui peut ainsi réclamer la dette non seulement au redevable principal, mais aussi à d’autres personnes expressément désignées par la loi.

En matière de TVA, par exemple, lorsqu’une prestation de services intracommunautaire est réalisée, le preneur établi en France est redevable de la taxe, mais le prestataire non résident peut être tenu solidairement du paiement. En matière de droits de mutation, l’article 1505 du Code général des impôts dispose que toutes les parties figurant à l’acte sont solidaires pour le paiement des droits. Le vendeur peut donc être poursuivi solidairement avec l’acquéreur. Pour les successions, l’article 1709 du même code prévoit que chacun des héritiers est tenu solidairement du paiement de la totalité des droits, à l’exception du conjoint survivant.

Concernant l’impôt sur le revenu et la taxe d’habitation, les époux et partenaires de PACS sont également tenus solidairement du paiement de l’impôt établi au nom du couple. L’administration peut ainsi réclamer à l’un des conjoints la totalité de la dette, même si celle-ci résulte de revenus propres à l’autre. Cette solidarité, source de nombreuses difficultés après une séparation, a conduit le législateur à instituer un mécanisme de décharge partielle. L’article 1691 bis du Code général des impôts permet à la personne séparée, divorcée ou sans vie commune de demander à être déchargée de la part de la dette disproportionnée par rapport à sa situation financière et patrimoniale. La décharge peut être accordée pour la partie correspondant aux revenus propres de l’ex-conjoint et à la moitié des revenus communs. Depuis la loi de finances pour 2022, l’administration doit apprécier la capacité de paiement sur une période maximale de 3 ans, contre 10 ans auparavant.

L’article 1745 du Code général des impôts renforce encore cette logique en matière de fraude fiscale. Les personnes reconnues coupables ou complices d’un délit de fraude peuvent être déclarées solidairement responsables du paiement de l’impôt éludé. Dans la pratique, lorsqu’une société soumise à l’impôt sur les sociétés omet de déclarer ou de payer ses impôts, l’administration peut poursuivre le dirigeant à titre personnel. Après condamnation, le juge correctionnel peut déclarer le dirigeant solidairement tenu du paiement de la dette fiscale, permettant ainsi à l’administration de recouvrer l’impôt sur son patrimoine personnel.

En dehors du champ pénal, l’article L267 du Livre des procédures fiscales autorise l’administration à engager la responsabilité d’un dirigeant de droit ou de fait pour le paiement des dettes fiscales de sa société, sans qu’une condamnation pénale soit nécessaire. Trois conditions doivent être réunies. D’abord, le dirigeant doit s’être rendu coupable de manquements fiscaux tels que l’absence de dépôt des déclarations, la tenue d’une comptabilité irrégulière ou des manœuvres frauduleuses comme l’émission de fausses factures. Ensuite, ces manquements doivent être à l’origine de l’impossibilité pour l’administration de recouvrer l’impôt auprès de la société. Enfin, l’administration doit obtenir l’autorisation du tribunal judiciaire avant d’engager la responsabilité personnelle du dirigeant.

Ainsi, le droit fiscal français permet à l’administration de garantir le paiement de l’impôt au-delà du seul contribuable. La solidarité, qu’elle soit civile, successorale, conjugale ou pénale, constitue une arme efficace contre la défaillance et la fraude, tout en maintenant un encadrement juridique strict destiné à éviter les abus.

Karim Trabelsi

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